Voie de l'excellence. Océana, apprentie à 16 ans.

Article du journal le Réveil Normand écrit par Hugo Deshors

Une expérience à part entière. Reportage au foyer Annie-Solange.

Depuis septembre 2020le foyer Annie-Solange accueille – et c’est une première – trois apprentis : Enzo, Dylan et Océana. Si les deux premiers, âgés de 20 ans, suivent un apprentissage pour devenir AES, accompagnant éducatif et social, la dernière âgée de 16 ans prépare son CAP PSR (Production et service en restauration collective).
 

Au premier plan, Océana, Enzo et Dylan, tous les trois apprentis au 
foyer de personnes handicapées Annie-Solange à Breteuil Aux côtés de Katia, Océana.




Et ce jeudi, il est 10 heures environ, dans la cuisine du foyer Annie-Solange, c’est l’effervescence. « Je suis en train de préparer une tarte aux pommes », nous explique Océana, charlotte sur la tête et tablier.

Concentrée, elle s’applique à ce que le dessert soit à la fois joli et bon. A côté d’elle, donc, Katia, une employée fidèle au sein de la cuisine qui elle-même a eu son CAP en 2016. D’un œil bienveillant mais critique, elle suit attentivement ce que fait l’apprentie de 16 ans.

« Nous sommes là pour aider et accompagner Océana tout en lui donnant des conseils avisés sur les bases, l’utilisation du matériel, le nom des outils… ». Et toujours avec le sourire, « il y a une bonne ambiance ici, reconnaît Océana. C’est agréable ».

 

« Autonome, motivée et dynamique »

Pendant deux ans, et ce depuis septembre 2020, elle va alterner entre les 2 à 3 semaines au foyer Annie-Solange et la semaine au centre de formation (CFA) d’Alençon dans l’Orne. Une formule qu’elle apprécie, « allier théorie et pratique me plaît beaucoup ».


Océana
Apprentie de 16 ans au foyer Annie-Solange

Du lundi au vendredi, c’est en cuisine qu’elle travaille, de 7 heures à 14 heures.


Je prépare les entrées, plats ou desserts, je peux faire la plonge. Je fais aussi la mise en place des tables et le service. J'adore faire la cuisine pour les autres et être au contact des résidents et de partager un moment avec eux.

Une multitude de tâches qui la passionne, « c’est ce que j’aime », confie celle qui, dans un premier temps, voulait être professeur des écoles.

Et du côté de l’encadrement, comme Philippe son maître d’apprentissage (qui n’était pas là ce jour), la volonté est de donner le plus de responsabilité à Océana.

On lui fait faire des tâches pour qu'elle apprenne les aspects du métier mais, dans l'ensemble, elle est indépendante et arrive à se gérer toute seule. Elle est motivée et dynamique, cela se ressent. En plus, elle est autonome puisqu'elle voit les choses à faire dans la cuisine. Nous ne sommes pas tout le temps obligés de lui donner des ordres, elle se débrouille bien et prend des initiatives. Par rapport aux stagiaires que nous avons eus, c'est la meilleure. Quand elle est là, on court moins.

Katia Salariée dans la cuisine du foyer Annie-Solange



 

                                                     

« Transmission du savoir »

A peine la tarte aux pommes terminée et mise dans le four que l’apprentie se dirige rapidement vers la plonge, « je vais nettoyer le matériel que j’ai utilisé ».

A croire qu’elle y travaille depuis des années, elle se sent comme un poisson dans l’eau, « je me sens bien ici ». En plus de « faire la cuisine pour les autres », ce qu’elle aime, « c’est être au contact des résidents et de partager un moment avec eux ».

Les yeux attentifs, Katia surveille la cuisson de la tarte, « tu vois Océana, il faut que tu le programmes à 180° et pour une durée de trente minutes ». La communication est importante dans l’apprentissage, comme le souligne Katia.

« Il faut pouvoir bien lui expliquer les choses, lui donner les bons termes de l’univers de la restauration collective. Pour nous, la transmission du savoir est primordiale ».




Une bonne expérience pour l’avenir

La salariée du foyer ne tarit pas d’éloges sur l’apprentissage, « c’est une très bonne chose pour les jeunes. Cela leur montre ce qu’est le monde du travail. Une bonne expérience pour leur avenir ».

A l’issue des deux années d’apprentissage, elle passera son examen. « Il y a une partie hygiène et sécurité que je dois maîtriser ».

Un exemple ? « Quand on reçoit un carton, on ne doit pas l’emmener directement dans la cuisine mais d’abord le mettre sur un chariot ». Sécurité sanitaire oblige. « Depuis maintenant un mois et demi que je suis là, j’ai appris des choses ».

*La personne directement responsable de la formation de l’apprenti et assumant la fonction de tuteur

L’école de la vie

« Il faut redonner, à l’apprentissage, ses lettres de noblesse ». Thierry Martin, directeur de l’établissement Annie-Solange à Breteuil, est « heureux de pouvoir accueillir trois apprentis âgés de 16 et 20 ans cette année. Nous voulons que ça soit, pour eux, un marche-pied, un tremplin ». Et ainsi « briser l’image péjorative qui colle au dispositif ».
Pour le directeur, « cela prouve qu’il y a encore des jeunes intéressés pour travailler, c’est une très bonne chose ». Une bonne chose aussi « compte tenu du manque de personnel que nous avons qui reflète la crise de vocation dans le secteur du social. D’ici cinq ans, nous aurons un tiers de nos employés qui va partir. Il faut prendre cela en compte ». Le foyer Annie-Solange compte environ 70 salariés (dans des domaines divers) pour autant de résidents.
En plus de fidéliser les jeunes, les points positifs de l’apprentissage sont nombreux, « ce sont de vrais professionnels qui forment les jeunes. Ces derniers ne restent pas déconnectés du monde du travail et progressent plus vite et peuvent évoluer ». La formation comme vraie culture professionnelle a tout son sens.
Et cela reste « une voie d’excellence pour trouver un emploi. Les apprentis doivent se sentir investis et avoir cela en eux. Ils sont l’avenir de nos établissements ».